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Rabat sous les couleurs du SIEL

Beaucoup de chapiteaux, un dispositif sécuritaire imposant, des cohortes bruyantes d’élèves et d’étudiants escortés de leurs professeurs… En traversant l’avenue jouxtant la Forêt Ibn Sina, à un quart d’heure du centre-ville de Rabat, les passants constatent une agitation inhabituelle pour cet après-midi plutôt chaud de juin.

Sur une banderole à l’entrée d’un grand chapiteau est écrit, en grandes lettres en arabe et en français : « 27ème édition du Salon international de l’édition et du livre- Rabat ».

Pour réussir l’organisation de la grand-messe du livre qu’elle accueille pour la première fois, à titre exceptionnel selon le ministère de la Culture, la capitale a sorti les grands moyens. Le budget de l’organisation a été triplé cette année, atteignant 20 millions de dirhams. Comme quoi le savoir et la culture n’ont pas de prix !

Malgré une grande affluence qui atteint son apogée en fin de semaine et à la fin de l’après-midi, l’ordre et la fluidité règnent en maître-mot.

A commencer par la gestion des files, très hétéroclites, qui se pressent aux multiples entrées du Salon : étudiants et chercheurs de diverses nationalités, professionnels des médias, familles venues faire un saut en profitant d’un après-midi libre ou simplement des badauds. Tous sont dûment orientés et accompagnés par le personnel sur place lors de leur passionnant séjour au merveilleux royaume du livre.

Pour ne pas se perdre dans les 7.278 mètres carrés qui forment la superficie du Salon, une immense carte renseigne avec précision sur l’emplacement des différents espaces et dépendances : pavillons occupés par 372 exposants de 57 pays, dont des éditeurs et des institutionnels, salles de conférences où pas moins de 323 invités de tout bord sont attendus, ateliers pour enfants, espaces de restauration.

Tel une fourmilière, l’espace grouille de monde et chacun vaque à ses occupations : alors que les conférences et les rencontres grands publics inscrits au programme culturel de cette 27è édition se déroulent dans quatre grandes salles, certains stands d’exposition abritent des rencontres et des workshops thématiques destinés aux professionnels et à un public plus avisé. Entre-temps, les stands des maisons d’édition ne désemplissent pas et entre les romans, le livre de jeunesse, les ouvrages religieux, les publications scientifiques et les manuels de gastronomie, de différentes langues et habillages, les visiteurs n’ont que l’embarras du choix.

Profitant d’un moment de faible affluence pour prendre à la va-vite son déjeuner, Lahbib Zaghbi, représentant d’une maison d’édition tunisienne, rompt volontiers sa pause pour nous raconter son expérience au SIEL et au Maroc.

Cet éditeur, un habitué de ce rendez-vous culturel qui se tenait auparavant à Casablanca, exprime à la MAP toute sa joie de “retrouver un public marocain toujours aussi passionné et de renouveler le contact avec les écrivains, intellectuels et acteurs du champ culturel du Maroc et d’ailleurs”.

Interrogé sur la place du livre papier dans le monde post-coronavirus, l’éditeur tunisien estime que “la pandémie a été à la fois une contrainte et une opportunité pour le secteur”.

“Si elle a réduit drastiquement les ventes du livre classique, la crise sanitaire a dopé les ventes numériques. D’autre part, elle a braqué les projecteurs sur la littérature de l’épidémie, un genre qui est revenu au goût du jour, avec des écrivains qui ont publié leurs journaux du confinement, d’autres qui ont écrit des romans et des pièces de théâtre dont le thème central est la pandémie, etc”, observe-t-il.

“L’essor de l’édition électronique, est-il une menace pour le livre ?”, nous avons posé la question à Imad Abu Medain, un exposant venu du Soudan. Pour lui, “le livre arabe a beaucoup profité des réseaux sociaux qui ont aidé à sa diffusion auprès d’un large public”. Mais de l’autre côté, “l’édition en format papier, en tant qu’activité industrielle, et contrairement au format numérique, coûte aujourd’hui trop cher, avec des charges qui ne cessent d’augmenter, liées au papier, à l’impression et à la distribution, des recettes qui suivent la tendance inverse et des lecteurs qui se font de plus en plus rares”, déplore-t-il.

Commentant le choix de Rabat comme capitale de la culture africaine et islamique de l’année 2022, l’éditeur soudanais estime que le Maroc fait figure de pionnier sur la scène littéraire et culturelle arabe.

“De par son ancrage africain et sa proximité avec l’Europe ainsi que son multiculturalisme, le Maroc peut être un trait d’union entre l’Afrique, le monde arabe et l’Occident, et le porte-étendard du rêve d’intégration africaine dont la culture est l’un des socles”, affirme-t-il.

Même son de cloche chez Hassan Hidayat, responsable d’une maison d’édition cairote spécialisée dans le livre de jeunesse, pour qui “Rabat, une charmante ville que j’ai beaucoup aimé, mérite amplement ce titre de capitale culturelle du monde arabo-islamique et de l’Afrique”.

Tout en saluant “une organisation exemplaire et des conditions de travail confortables” pour les exposants, Hidayat souligne que ce genre d’événements contribue au développement de la coopération entre les maisons d’édition de l’Égypte et du Maroc, “deux pays frères qui, bien qu’éloignés géographiquement, ont beaucoup de choses en partage qui font que les Égyptiens se sentent chez eux en venant au Maroc et vice-versa”.

Dans le pavillon d’honneur, la culture et la littérature africaines, invité d’honneur de cette édition, s’affichent dans tous leurs états et sous leur meilleur jour.

Drapés de leurs superbes habits traditionnels, les exposants venus de toutes les contrées d’Afrique s’activent, avec passion et dévouement, à répondre aux questions des visiteurs marocains avides d’en savoir plus sur cette Afrique si riche et si pittoresque, si proche et si lointaine.

Marie, responsable du stand du Madagascar, ne cache pas son émerveillement : “Un public nombreux et cultivé, une bonne organisation, un très vaste espace, c’est du jamais-vu pour moi !”. Pour elle, le SIEL est l’occasion de découvrir de plus près la fascinante culture marocaine dont elle avait fait la connaissance brièvement, le temps de stages qu’elle a effectués en 2019 dans des maisons d’édition casablancaises. “C’est une expérience inoubliable pour moi, à renouveler l’année prochaine Inchaallah !”, assure-t-elle.

Au sortir comme à l’entrée du Salon, la joie et la satisfaction se lisent sur les visages des petits et grands, comme touchés par la grâce. La magie du livre a opéré ! Par sa seule présence, le livre répand le bonheur et à son seul contact, l’âme s’épanouit et l’esprit se libère des chaînes de l’ignorance, de la superficialité et de la pensée unique, grandes tares de l’ère des smartphones et des réseaux sociaux.

Mission réussie pour le SIEL de Rabat !

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