Ingénieur, écrivain, journaliste…Driss Chraïbi a incarné la polyvalence, car il a cru en toutes les voies menant à la réussite. Natif d’El Jadida en 1926, il grandit entre tradition et modernité à l’école coranique et au lycée Lyautey à Casablanca. A 19 ans, il part en France pour devenir ingénieur chimiste. Il obtient son diplôme, mais très vite, il comprend que ce n’est pas sa voie. Ce qu’il aime, c’est écrire, observer les gens et comprendre le monde.

Dès sa première œuvre, il force le respect et suscite l’intérêt de beaucoup de lecteurs, éblouis à l’époque par son ton et son audace. En 1954, Driss Chraïbi publie Le Passé simple, un roman qui fait l’effet d’un coup de tonnerre. A à peine 28 ans, il critique le patriarcat, s’interroge sur la religion et crie fort ce que d’autres n’ont pas osé murmurer avant l’indépendance du Royaume.

En 1955, Les Boucs jette un regard lucide sur le sort des immigrés nord-africains en France. En 1972, La Civilisation, ma mère !...rend hommage à l’émancipation féminine dans une société verrouillée par l’ordre patriarcal. Driss Chraïbi, c’est cette voix qui, à chaque ouvrage, décape les consciences et déplace les lignes. Féministe avant l’heure, anticolonialiste, laïc sans renier sa spiritualité, il construit une œuvre à contre-courant, riche d’ironie et de poésie.

Sa sensibilité marocaine et son amour pour la langue de Molière l’ont placé entre deux mondes, deux cultures et deux visions. Dans L’Homme du Livre, il tente même de raconter la vie du Prophète Mahomet, paix et salut sur lui, avec un regard et des mots qui lui sont propres.

Driss Chraïbi travaille comme producteur d’émissions, vit au Canada et crée le fameux personnage « l’Inspecteur Ali » à qui il consacre une série policière pleine d’ironie et de leçons.

Entre 1998 et 2001, il replonge dans son Maroc avec Lu, vu, entendu et Le Monde à côté, des écrits autobiographiques revenant sur son enfance, entre colonialisme, traditions, espoirs et rêves. Ce sont deux récits intimes portés par trois maîtres-mots: compréhension, transmission et éveil. Le 1er avril 2007, Driss Chraïbi s’éteint en laissant derrière lui un parcours brillant et des œuvres éloquentes qui racontent le passé, le présent et le futur.